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Les textes suivants, étudiés en classe, sont l’œuvre de grands poètes soucieux de perpétuer l'histoire douloureuse de leurs ancêtres : Jean Métellus, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. Ces deux derniers poètes ont fondé en 1934, avec Léon Gontran Damas, la revue L'Étudiant noir afin d'affirmer une identité culturelle commune à tous les Noirs (Afrique et Antilles) et de lutter pour « la civilisation de l'universel » qui reconnaîtrait que Blancs et Noirs sont « tous les fils de ta même Terre-Mère ».
    Ainsi est né le mouvement de la « négritude » que Césaire définit comme « la simple reconnaissance du fait d'être noir, et l'acceptation de ce fait, de notre destin de Noir, de notre histoire et de notre culture. »


Et elle est debout la négraille
La négraille assise
inattendument debout
debout dans la cale
debout dans les cabines
debout sur le pont
debout dans le vent debout
sous le soleil
debout dans le sang

debout
   et
     libre

Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1939


[...] vous savez que ce n'est point par haine des autres races
que je m'exige bêcheur de cette unique race que ce que je veux
c'est pour la faim universelle
pour la soif universelle
la sommer libre enfin
de produire de son intimité close
la succulence des fruits.

Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1939




Ma négritude point n'est sommeil de la race mais soleil de l'âme, ma négritude VUE et vie
Ma négritude est truelle à la main, est lance au poing Récade. Il n'est pas question de boire
    de manger l'instant qui passe.
Tant pis si je m'attendris sur les roses du Cap-Vert !
Ma tâche est d'éveiller mon peuple aux futurs flamboyants
Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole !

    Léopold Sédar Senghor, « Élégie des alizés », Élégies Majeures, Œuvre Poétique, Ed. Du Seuil, 1990


Solitude du nègre

Immense vertige, l'histoire d'un homme qui flambe ses nuits
Grille sa solitude dans les mots, chante son marronnage
Immense vertige, l'histoire de cet homme nu
Mû par ses sanglots
Immense vertige, l'histoire de ses lèvres volubiles
De ses paumes laborieuses, calleuses, écorchées
Du gouffre sans fond de ses espoirs brisés
De ses sueurs nocturnes, de ses sens blessés
De ses carcans d'antan, de ses joies qui s'effeuillent l
Des dieux épouvantés par sa parole lucide
Immense vertige d'un souffle méprisé
D'un corps flétri par une maladie étrange
Des chemins sans issue et des souvenirs gelés
D'une vie d'étuve et d'une souffrance rebelle  
D'un peuple pétrifié, divisé
Immense vertige, ma peau sans grâce
Immense vertige, le vol des corbeaux autour du calvaire
Immense vertige, la prière qui balaie l'anathème [...]

Jean Métellus, La Peau et autres poèmes, «Haïti ici, là-bas», Seghers, 2006.

 

 

 

    L'esclavage peut prendre plusieurs formes, dans divers lieux, dans diverses époques.
    Pablo Neruda, grand poète chilien qui a combattu les dictatures militaires en Amérique du Sud, a choisi son art pour dénoncer l'esclavage moderne. Dans son recueil Chant général paru en 1950, on trouve un poème intitulé «Juan Figueroa ». Juan Figueroa, c'est le nom d'un ouvrier qui travaille dans une usine d'iode, la « Maria Elena Antofagasta». Dans ce poème, Pablo Neruda laisse la parole à l'ouvrier ...



Juan Figueroa


Vous êtes Neruda? Entrez donc, camarade.
Oui, de cette Maison de l'Iode, je suis le seul
survivant. Et après?
je sais que je suis déjà mort et que la terre
de la pampa m'attend. Quatre heures de travail
par jour, dans la Maison de l'Iode.
Il arrive par des tuyaux, il sort comme une pâte,
comme une gomme violacée que nous introduisons
de cuve en cuve, que nous emmaillotons
comme un bébé. Pendant ce temps
l'acide nous ronge, il nous mine,
il nous pénètre par les yeux et par la bouche,
par la peau, par les ongles.
De la Maison de l'Iode on ne sort pas
en chantant, camarade. Et si on leur demande quelques pesos de plus
pour nos enfants qui n'ont pas de souliers,
ils disent, camarade, «Encore un ordre de Moscou »,
et ils déclarent l'état de siège, et ils nous cernent
comme des bêtes et ils nous frappent. [...]

Pablo Neruda, Chant général [1950], trad. de C. Couffon, Gallimard, 1977.

 

 

 

Nous vous proposons ci-dessous d'autres textes étudiés en classe.

 

 

 

 

 

 

 

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